En cette semaine de la Saint-Valentin, quelle meilleure occasion de parler de la vie amoureuse passionnante et anticonformiste de certains des artistes les plus influents du XXe siècle ? Les œuvres expressionnistes et désespérément passionnées de Gustav Klimt et d'Egon Schiele ont repoussé les limites de l'art et représenté la figure humaine de manière radicale.
Klimt, né en 1862, était un peintre symboliste autrichien et l'un des principaux membres du mouvement sécessionniste viennois. L'artiste a également influencé l'expressionnisme viennois, un mouvement dirigé par son plus grand admirateur, Egon Schiele. Schiele, né en 1890 et de 28 ans le cadet de Klimt, était un peintre figuratif et expressionniste autrichien. En 1907, Klimt devient le mentor d'Egon et ils développent une relation étroite.
Klimt est unique en ce sens que son art est omniprésent et que sa vie personnelle est presque invisible. La plupart des discussions autour de sa vie sont spéculatives et tirées de son art et de rumeurs. Ce que nous savons, c'est qu'il aimait les femmes. L'artiste a déclaré un jour : "Je m'intéresse moins à moi en tant que sujet de peinture qu'aux autres personnes, surtout aux femmes". Et à l'exception de ses premières œuvres, Klimt n'a peint que des portraits de femmes.
Le mystère reste entier quant à savoir si ses modèles étaient ou non des amants et si sa compagne, Emilie Flöge, une créatrice de mode qui apparaît dans de nombreuses œuvres de Klimt, était une amante ou une amie. On pense qu'il a eu 14 enfants illégitimes et (ce qui n'est pas surprenant) de nombreuses amantes, dont la musicienne et femme fatale du XXe siècle, Alma Schindler.
L'art de Klimt parle de lui-même, quelles que soient les rumeurs. Il exprime un lien intense et sincère entre l'artiste et ses modèles. L'œuvre la plus emblématique de Klimt, "Le Baiser", actuellement conservée au Belvédère de Vienne, manifeste cette connexion et cet amour de manière exquise.
Elle représente un couple enlacé, entouré d'une pluie d'or. L'homme (que l'on pense être Klimt) se penche sur la femme et lui tient le visage tout en déposant un baiser sur sa joue. La femme, soumise, se penche en arrière et l'entoure de ses bras. Elle nous fait face, les yeux fermés.
L'abîme d'or scintillant qui forme l'arrière-plan donne une impression de spiritualité. Ils sont éloignés de la norme de la vie quotidienne et se trouvent dans le moment élevé du "Baiser". Le divin est suggéré par le tissu d'or placé au-dessus de leurs têtes, reproduisant une auréole et rendant hommage à l'art religieux classique.
Les motifs géométriques de l'œuvre reflètent la perfection de ce moment romantique. Le tissu d'or drapé autour des personnages est orné de motifs, des rectangles droits sur l'homme et des cercles doux et des fleurs sur la femme, faisant allusion à la sexualité. La somptueuse fresque de Klimt respire le luxe, l'amour et la transcendance.
Schiele diffère de Klimt en ce que sa vie est aussi notoire, intrigante et célèbre que son art. Dès son plus jeune âge, la vie de Schiele a été controversée, car on a suggéré qu'il avait une relation incestueuse avec sa jeune sœur. En 1912, il est arrêté pour avoir prétendument séduit une mineure. Au cours de la procédure judiciaire, c'est son art qui a fait l'objet d'un examen minutieux. Une grande partie de ses œuvres représentaient des jeunes filles d'une manière résolument provocante. Elles ont été considérées comme pornographiques et le juge a brûlé l'une de ses œuvres.
En 1911, Schiele rencontre Walburga (Wally), âgée de dix-sept ans, qui vit avec lui et sert de modèle pour certaines de ses peintures les plus marquantes. Wally et Schiele ont vécu ensemble pendant quatre ans, jusqu'à ce qu'il se débarrasse impitoyablement d'elle au profit d'un mariage financièrement avantageux. De ce chagrin d'amour est né un chef-d'œuvre. La "Mort et la jeune fille" de Schiele est actuellement conservée au musée du Belvédère à Vienne.
L'œuvre fait un clin d'œil au "Baiser" de Klimt, mais la scène dramatique et tourmentée en est en fait l'antithèse. Elle représente un couple qui s'accroche l'un à l'autre, entouré d'un terrain vague dévasté. La figure masculine est un autoportrait représentant la mort, le visage gris et les yeux noirs de Schiele nous regardent de manière obsédante. Schiele, comme Klimt, aimait les femmes, mais son sujet principal et son plus grand intérêt étaient lui-même. Il était narcissique et obsédé par sa propre expérience viscérale de la vie.
Wally est représentée très vivante et sa robe rose apporte une touche de couleur à l'œuvre. On a suggéré que le contraste entre eux représente la collision entre la Vienne d'avant et d'après la Première Guerre mondiale. Le génie de Schiele réside dans sa capacité à exprimer des émotions laides et personnelles tout en réfléchissant à la souffrance universelle de la guerre.
Schiele a créé une scène grumeleuse, maladroite et fragmentée et a ainsi joué un rôle de catalyseur pour le mouvement artistique moderne qui rejette le nu idéal. Schiele et Klimt utilisent la forme humaine pour exprimer des émotions brutes, souvent par le biais de déformations physiques. Ces deux artistes sont des représentants précoces de l'expressionnisme dont l'œuvre a été fortement influencée par leur vie et leurs expériences amoureuses.