Un tableau impressionnant
Claude Monet (1840 - 1926) est un des peintres fondateurs du mouvement impressionniste. Il est à l’origine, avec ses amis Sisley, Pissarro, Renoir et bien d’autres, de la naissance de ce courant anti-académique au milieu des années 1870.
Le choix des thèmes, la touche visible, l’expression du fugitif, autant de caractéristiques qui choquent les critiques de l’époque. Pourtant l’Impressionnisme, et son plus illustre représentant Monet, passeront bien à la postérité. Ils influenceront toute une génération de nouveaux artistes.
Claude Monet avait initialement nommé cette toile "Vue du Havre". Seulement lorsqu'il choisit de l'exposer en avril 1874, pour la première exposition de la Société anonyme des artistes peintres, sculpteurs et graveurs, il change le titre. Pour le catalogue, il indique "Mettez Impression".
"Impression, soleil levant" n'est ainsi pas une toile comme les autres : c'est elle qui a donné son nom à l'Impressionnisme. L'histoire est comme souvent, liée aux critiques d'Art, qui à l'époque, font et défont des carrières... intentionnellement ou non !
En effet, Louis Leroy, critique d’art pour "Le Charivari", écrit en 1874 un article moqueur à propos de cette toute première exposition des futurs impressionnistes. Leroy y a repéré une toile en particulier de Monet, et écrit :
"Que représente cette toile ? Impression ! Impression, j’en étais sûr. Je me disais aussi puisque je suis impressionné, il doit y avoir de l’impression là-dedans."
Pour enfoncer le clou, il intitule même son article "L’exposition des impressionnistes".
Trois détails à la loupe
1. Le soleil levant
Le soleil est sans aucun doute le point central de la composition. Il se distingue par ses teintes chaudes et sa netteté, au milieu de l'atmosphère froide et brumeuse du port.
De nombreuses études ont d'ailleurs été réalisées sur ce soleil rougeoyant. Certains historiens ayant émis des doutes sur sa nature : levant, ou couchant ? Alors, en 2014, le Musée Marmottan qui héberge la toile a publié une étude poussée sur la datation de l’œuvre.
Grâce à l'étude de données topographiques, telles que les marées, les bulletins météorologiques ou encore les trajectoires célestes, il est certain qu'il s'agit bien du soleil se levant.
Les enquêteurs avancent même une date précise pour son exécution : le 13 novembre 1872 à 7h35 du matin, soit 30 minutes après l'aube. Claude Monet a peint cette toile en quelques heures, de la chambre de son hôtel sur le Quai de Southampton. Il ignorait alors qu'elle marquerait un véritable tournant dans l'Histoire de l'Art !
2. Le port industriel
Claude Monet a grandi au Havre : c'est donc un paysage qu'il connait bien qu'il représente dans cette marine industrielle. Le port est un des thèmes favoris du peintre, véritable représentation de la Révolution Industrielle alors toute récente, et qui fascine bien des artistes.
Monet n'est pas le premier à peindre levers et couchers de soleil sur la ville. Il s'inspire notamment d'un certain nombre d’œuvres de William Turner, également précurseur de l'Art Moderne. Dans "Impression, soleil levant", Monet n'hésite pas à représenter non pas une falaise ou une plage, mais un port, qui plus est industriel.
Les fumées des usines brouillent ainsi la lumière du soleil naissant, modifiant atmosphère et couleurs, et donnant cette impression de "fog" (brouillard) londonien. Dans la masse, on aperçoit ainsi des cheminées d'usines fumantes ou de bateaux à vapeur, les gréements de bateaux à voiles, mais aussi, sur la droite, des grues typiques des docks.
La scène montre ainsi un port toujours en activité, spécialement à l'aube, représentatif du développement incessant du commerce maritime lors de la deuxième moitié du XIXe siècle.
3. La touche impressionniste
Leroy, le critique qui a donné le nom "Impressionnisme", ajoutait dans son article que "Le papier peint à l’état embryonnaire est encore plus fait que cette marine-là.", se moquant ainsi de la touche rapide de Monet, qui donne un aspect non-fini à la toile.
Cette technique, typique de l'Impressionnisme, est effectivement toute nouvelle et étonnante pour l'art de l'époque, enfermé dans un académisme néo-classique, avec alors pour principaux sujets des nus mythologiques.
Les impressionnistes eux, peignent généralement en plein air et relativement vite. Les couleurs sont ainsi peu mélangées, juxtaposées les unes près des autres. Dans le bas de la toile, sur l'eau, Monet va jusqu'à apposer de longues touches contrastantes, pour représenter les mouvement de l'eau et ses reflets.
Cette manière de poser la peinture sur la toile est véritablement révolutionnaire. Elle préfigure le pointillisme que Georges Seurat utilisera dans les années 1880.