Le ready-Made, du "n'importe quoi" ?
Prenez un ou plusieurs objets manufacturés. Vous pouvez les agencer ou les assembler à votre guise. Signez et placez votre production dans un musée. Vous avez créé un ready-made ! Marcel Duchamp avoue lui-même utiliser "n'importe quoi, aussi Beau ou Laid que ça soit". Le ready-made existe simplement, il n'est pas là pour être contemplé. La seule chose qui change, c'est la signature qui l'élève au rang d’œuvre d'art.
"Fontaine" : un emblème de la sculpture moderne
Marcel Duchamp crée son premier ready-made en 1913. Il s'agit d'une "Roue de bicyclette" tournant simplement sur un tabouret. La simplicité d'exécution n'est pourtant rien à côté de la provocation de "Fontaine" créée quatre ans plus tard. Pour l’œuvre originale, il retourne un urinoir en porcelaine et le signe à la peinture noire. Richard Mutt, ou Richard "Le Cabôt" est le nom d'artiste qu'il s'inventa pour l'occasion. Cet objet usuel deviendra scandaleux une fois exposé dans un musée de New-York.
L'artiste touche au statut de l’œuvre d'art, à celui de l'artiste, mais aussi au regard du public. Ce sont des siècles d'histoire de l'art remis en question avec cette "madone des toilettes", ce "bouddha de la salle de bain" ! L'événement eut des retentissements historiques, entraînant des générations d'arts modernes avec lui, inspirant encore les artistes contemporains d'aujourd'hui...
Marcel Duchamp est artiste, mais veut devenir joueur d'échec. Il expose, mais se demande si l'on "peut faire des œuvres qui ne soient pas d'art ?". En 1926, il défend son ami Constantin Brâncusi lors d'un procès historique...
"Bird in space" (Oiseau dans l'espace) est une sculpture en bronze poli d'un mètre et trente-cinq centimètres. Sa forme fuselée et épurée évoque celle d'une plume. Lorsque l'objet arrive au port de New-York, les douaniers lui refusent l'accès au territoire en tant qu’œuvre d'art. Une question fondamentale se pose alors : la sculpture de Brâncusi est-elle une oeuvre d'art ? Mais, qu'est-ce que l'art ?
"Peut-on faire des oeuvres qui ne soient pas d'art"?
Depuis l'Antiquité, l'art imite la nature grâce aux précieux savoir-faire des artistes. La législation américaine se basait sur ce principe pour mettre l’œuvre de Brâncusi en procès. Sa sculpture aspire l'espace, elle est suggestive et mystérieuse. Son aspect est proche d'un objet industriel, peut-être même manufacturé. D'autant qu'il en existait plusieurs exemplaires. Malgré les suspicions du juge, l'artiste a réussi à justifier les longues heures de travail pour l'élaboration de sa sculpture. Il démontre par là qu'une oeuvre épurée peut être le fruit de longues heures de travail, que l'aspect n'est pas toujours représentatif du processus de création.
Ce jour-là, le juge détient le pouvoir de redéfinir une œuvre d'art. A l'issue de nombreux débats, le verdict tombe : désormais, l'artiste peut transgresser les règles s'il exprime sa personnalité à travers sa création. L'abstraction trouvait ses lettres de noblesse, au même titre que le ready-made. Cette affaire illustre un point essentiel de l'art moderne, elle représente une étape pionnière de l'art du XXème siècle. Depuis ce jour et au-delà des frontières, l'artiste est libre de choisir son oeuvre.
L'art moderne, l'art contemporain ont souvent été discutés, car le concept supplante parfois le processus de création. Or, l'art est représentatif de l'époque dans laquelle il naît, il est à la fois le fruit du passé et un futur en devenir. Il se transforme au fil du temps. Le définir l'inscrit dans le temps, car à cet instant, il n'est déjà plus ce qu'il était.