Décrivez-nous votre pratique.
Je m'appelle Zhou Yiyan et je suis une sculptrice pluridisciplinaire originaire de Shanghai, installée à Paris depuis 2007 dans mon atelier situé à Asnières-sur-Seine.
Mon parcours artistique explore les formes fascinantes du silex et les mouvements dynamiques du corps humain, exprimés par le modelage de l'argile et le travail complexe du métal avec du laiton et de l'or.
Je suis captivée par la coexistence des opposés et le pouvoir de transformation des matériaux, que je tente d'explorer en mêlant la délicatesse de l'argile à la force du métal. En plus de la sculpture, je crée des performances qui fusionnent la danse, le dessin et la musique, capturant la fluidité et l'expressivité du mouvement corporel.
Pouvez-vous nous parler plus en détail de votre technique principale ?
Pour façonner mes sculptures, j'utilise principalement la technique du modelage dans la masse avec de l'argile de terre cuite. Lorsque je travaille avec la porcelaine, j'utilise une méthode connue sous le nom de modelage à la plaque en utilisant du papier porcelaine pour construire les pièces. Je m'efforce également de rehausser et d'embellir mes créations avec des accents dorés, obtenus grâce à l'utilisation de laiton ou d'or.
Avez-vous choisi votre médium ou pensez-vous que votre médium vous a choisie ?
Excellente question ! Je dirais que c'est un peu des deux. Au départ, j'ai été attirée par l'argile, puis par les métaux pour leur capacité à exprimer les contrastes et les compléments dans mon travail.
Cependant, au fil du temps, j'ai l'impression que ces matériaux m'ont choisie en retour, me permettant d'explorer et d'exprimer mes idées plus complètement. L'interaction entre leur délicatesse et leur robustesse, ainsi que le mélange de lumière chaude et froide, s'accordent parfaitement avec ma vision artistique et mon approche créative.
Décrivez votre travail en trois mots.
Mouvement, contraste et harmonie.
Quels sont les thèmes récurrents dans votre travail et pourquoi ?
Je reviens souvent à des thèmes comme la réflexion, l'équilibre et la fusion – des idées qui résonnent profondément en moi et que je cherche à traduire dans mes sculptures et mes performances. C'est pourquoi j'incorpore le laiton et le bronze dans mon travail. Avant de définir ces thèmes, je me concentrais principalement sur la forme des sculptures elles-mêmes.
Aujourd'hui, ces thèmes me permettent d'approfondir des concepts plus profonds, d'ajouter des dimensions supplémentaires à mon travail et d'enrichir l'expérience artistique que je souhaite partager.
Quelle est l'importance du mouvement dans votre travail ?
Je travaille naturellement avec beaucoup d'émotion, dessinant souvent en tandem avec les mouvements d'un danseur qui se produit devant moi. Lorsqu'un dessin particulier m'inspire la création d'un modèle, je ressens une agitation intérieure qui reflète le rythme du danseur.
Le mouvement reflète la fluidité et la transformation constante de la vie, ajoutant une dimension dynamique à mes sculptures et performances. Il capture l'énergie et l'émotion humaines, me permettant d'explorer les interactions et les relations entre les formes, les matériaux et l'espace, enrichissant ainsi la profondeur et la signification de mon travail.
Décrivez-nous la manière dont vous transmettez ces émotions riches et complexes dans votre travail.
Je transmets des sentiments et des émotions complexes, comme la sensibilité, de plusieurs manières. Une performance de 15 minutes avec le public est une transmission intense, concentrée et pure de mes émotions. Lors de ces performances, chaque mouvement et chaque geste sont imprégnés de mes sentiments, offrant une expérience directe et immédiate.
En dessin, je dessine beaucoup, surtout en mouvement, en même temps que les mouvements. Mes mains deviennent les interprètes de mes émotions, capturant les sensations et les nuances de chaque instant.
Parfois, je m'exprime aussi par des textes poétiques. J'essaie ensuite de transmettre toutes ces sensations dans mes sculptures. La sculpture est le processus le plus long et le plus délicat.
Quand avez-vous réalisé que vous vouliez devenir artiste ?
Depuis que je suis toute petite, je veux créer. Ma passion pour l'art et le design m'a toujours poussée à exercer mon métier de la manière la plus pure possible, sans compromis commerciaux. Cependant, je n'ai jamais pensé explicitement « je veux devenir artiste », surtout pas pendant mon enfance. Ce n'est que lorsque j'ai quitté mon emploi en 2015 que j'ai vraiment envisagé cette voie.
Mon objectif premier était de m'immerger dans mes idées, en prenant le temps de les réaliser profondément et authentiquement. Pour y parvenir, je me suis isolée et j'ai travaillé sans relâche. Dans ce processus, je me suis sentie comme un poisson qui revient à l'eau, complètement à l'aise, avec des idées et des pensées qui circulaient librement. Cette immersion m'a apporté une joie immense, la seule vraie joie de ma vie.
Je ne me suis jamais attardée sur l'étiquette d'« artiste » ; je me suis plutôt attachée à donner vie à mes idées. Aujourd'hui, petit à petit, je sens que je deviens un artiste, même si ce n'est pas quelque chose sur lequel je m'appuie pour structurer ma journée.
Racontez un moment marquant de votre carrière artistique.
La création de ma sculpture Premier Dancing Woman est née d'une expérience particulièrement forte. Un hiver, j'ai été attirée par un morceau de silex sur une plage, caché sous un rocher beaucoup plus grand. Je l'ai retiré avec précaution et l'ai placé sur un autre petit rocher face à la mer. Sa forme ressemblait à une robe volante et, tandis que je le photographiais, des histoires ont commencé à se déployer dans mon esprit – son histoire. Inspirée, j'ai immédiatement écrit le poème Dancing Woman et je l'ai dessinée comme vous le feriez avec une danseuse que vous admirez.
Lorsque je l'ai ensuite sculptée dans l'argile, j'ai été envahie par une émotion irrésistible. Lorsque mes mains ont touché l'argile, des larmes sont montées à mes yeux et j'ai pensé : « J'ai enfin trouvé ma famille ». Cette sculpture est devenue l'une de mes trois premières, marquant une étape importante dans mon parcours artistique.
Avez-vous besoin de conditions particulières pour laisser libre cours à votre créativité ? Par exemple, de l'éclairage, du calme ou de la musique ?
L'éclairage et le silence sont très importants pour moi. Ces conditions créent un environnement propice à la concentration et à la réflexion, ce qui est essentiel pour libérer ma créativité et m'immerger pleinement dans mon travail.
Comment savez-vous que vous avez terminé une œuvre d'art ?
Je sais souvent qu'une sculpture est terminée lorsqu'elle semble « vivante » devant moi. À ce moment-là, je cesse de modifier sa forme et je me concentre uniquement sur les finitions. Parfois, c'est simplement une question d'intuition : l'œuvre me parle et je sens qu'il n'y a plus rien à ajouter ou à enlever.