Cette semaine, la rédaction de Rise Art se penche sur l'un des tableaux les plus connus du XXème siècle. Vous ne connaissez peut-être pas le nom du peintre ou du tableau, mais vous l'avez sans doute déjà aperçu quelque part. "American Gothic" est une œuvre de 1930 qui a inspiré de nombreux détournements dans la pop culture et frappe encore par sa modernité. Rise Art vous en propose une analyse en détails qui révèle ses secrets.
Une œuvre culte
Au début du XXème siècle, l'Américain Grant Wood a peint le Midwest rural américain et ses habitants. Ces derniers se trouveront dans une grande misère pendant la crise des années 30 et la révolution mécanique. Wood a fait ses gammes en Europe et a été marqué par les peintures flamandes.
Appartenant au courant du régionalisme, son œuvre la plus connue est incontestablement American Gothic, réalisée en 1930 . Au premier regard, ce portrait qui prend place à Eldon, dans l'Iowa rappelle beaucoup "Les Époux Arnolfini" du Flamand Van Eyck.
Achetée par l'Art Institute of Chicago, l'oeuvre a été par la suite maintes fois reprise et détournée. On y trouve des allusions dans le dessin animé de Disney "Mulan", les séries "Dexter" et "Desperate Housewives" ou encore chez les Simpson. De nombreux détournements montrent aussi le "couple" rhabillé de façon moderne, notamment en vêtements streetwear ou déguisés personnages tout droit sortis de "Star Wars".
Trois détails à la loupe
1. L'homme et la femme
Qui est cette femme au regard dur et cet homme austère à lunettes qui tient à la main une fourche ? Forment-ils un couple ? Ou bien est-il son père ? Son frère ? Un ami ? Il semble en tout cas plus âgé qu'elle. En fait, Grant Wood a fait poser sa sœur Nan (qui lui reprochera de l'avoir enlaidie ) et son dentiste, le docteur McKeeby, pour ce portrait représentant un fermier et sa fille célibataire.
L’homme porte une salopette bleue qui ressemble à un vêtement de travail mais sa veste noire laisse à penser qu'il est préparé pour une occasion spéciale, tout comme le bijou camé de la femme. Certains prétendent que ces deux personnages sont des colons. La femme est en effet vêtue d’un tablier de style colonial. Dans tous les cas, aucun des deux protagonistes n'a l'air très aimable ni très épanoui !
Le peintre considérait son tableau comme une célébration réaliste des habitants de la région du Midwest et de leurs valeurs morales. Mais l'œuvre a déplu à la population locale quand elle fut exposée à Art Institute of Chicago en 1930. L'attitude morose des protagonistes traduisait pour eux une attaque contre leur vie rurale, moins heureuse et progressiste que les urbains de l'époque.
2. La fourche
La présence de cette fourche, qui semble être un personnage à part entière du tableau, intrigue. Ces dents tournées vers le ciel, alors qu'un paysan l'aurait plantée dans le sol par sécurité, n'est pas orthodoxe. Ce détail a fait naître de nombreuses questions sur le sens de cette œuvre. Par sa forme, la fourche peut symboliser la virilité mais aussi la sexualité synonyme de perversion dans le puritain Midwest.
Elle peut aussi se comprendre comme un signe « défense d’entrer ». On s'interroge : que se passe-t-il dans cette maison dont les rideaux son fermés ? Le père veut-il protéger la vertu de sa fille ? Le duo de fermiers semble en tout cas tenir à sa fourche comme à un trésor. Autant qu'à leur puritanisme et à leur vie loin des grandes villes. Les interprétations sont multiples, renforçant l'attrait mystérieux de ce tableau.
3. La maison gothique
Pour saisir le titre du tableau, il faut regarder la maison qui se trouve derrière les personnages. Il s'agit d'une référence au style architectural néo-gothique. La fenêtre en ogive est typique des maisons gothiques.
Les rideaux tirés en pleine journée constituent également un détail de taille. Beaucoup de commentateurs se sont demandés si ce n'était pas l'indication que les personnages venaient de vivre un deuil. Seraient-ils en train de pleurer la fin d'une époque qu'ils sentent à leur grand regret disparaître ? Dans les années 30, le progrès était déjà en marche !