Lorsque j'entre dans l'atelier de Sabrina Brouwers, je suis immédiatement frappée par le calme ambiant. Je suis séduite par les lignes anguleuses de ses œuvres, leurs tracés précis et les cercles qui s'entrecroisent. Même si j'ai toujours détesté la géométrie, je me sens étonnamment apaisée par le style et les dimensions de ses œuvres.
Il y a quelque chose de tellement... satisfaisant à leur sujet, fais-je remarquer à Sabrina Brouwers. « C'est logique » me répond-elle avec une lueur dans les yeux. Elle crée des compositions constituées de formes géométriques élémentaires. Ces formes lui permettent d'explorer les effets psychologiques positifs de la simplicité visuelle. Lorsque je la questionne sur les origines de cet intérêt, elle me fait découvrir la théorie de la Gestalt.
Le terme allemand « Gestalt » signifie « arrangement » ou « formation ». Il fait référence à la manière dont le cerveau perçoit et organise des éléments distincts en un ensemble cohérent. Cette structure explique scientifiquement comment la modification de l'espacement, de la disposition et de la synchronisation peut affecter de manière significative la façon dont nous recevons et intégrons les informations. Lorsque nous regardons une œuvre d'art, notre esprit recherche naturellement des modèles et une cohésion dans la composition. Les compositions structurées favorisent donc un sentiment apaisant d'ordre et de stabilité.
Malgré les perspectives changeantes que ses œuvres peuvent évoquer, on y trouve une forme d'apaisement et de régularité. Inspirée par l'approche fondée sur les règles de Sol Lewitt, Sabrina Brouwers conçoit ses grilles minutieusement à partir d'une croix qui ressemble à un trésor presque caché. Toutes ses lignes convergent vers ce point de référence qui fait autorité, offrant un repère constant dans la contemplation de l'œuvre.
Bien que ses œuvres ne correspondent pas à la définition classique du figuratif, l'artiste souligne la présence intentionnelle de la forme humaine. Au milieu des arêtes vives, des lignes et des fissures acérées, quelque chose de doux et d'humain émerge, renforcé par les marques subtiles qu'elle a laissées. Cela rappelle le toucher humain, renforcé par sa palette de couleurs terreuses et de tons chair.
Dans ses œuvres les plus récentes, Sabrina Brouwers incorpore du vinyle réfléchissant. Parfois, seuls des fragments de vinyle sont visibles, tandis que dans d'autres œuvres, ils forment des cadres protecteurs, semblables à des cocons, autour d'éléments centraux, offrant un jeu unique d'exposition et de dissimulation de l'œuvre. Le vinyle réagit de manière dynamique à la lumière et à l'angle, de sorte que son apparence change au fur et à mesure que l'on se déplace autour des œuvres. Cet effet est particulièrement visible le soir ou la nuit, lorsque l'œuvre d'art capte et reflète les lumières de la ville.
Ce qui me fascine ici, c'est de voir que ses œuvres poursuivent leur évolution même lorsque Sabrina Brouwers a quitté l'atelier. Dépourvues de toute intervention, les lois de la physique prévalent. Les œuvres vivent alors, du fait des matériaux utilisés, et peuvent se déformer, réagir à la lumière et évoluer en continu.
Revenant sur les points de focalisation de ses œuvres, l'artiste souligne l'importance de les positionner au cœur de ce qu'elle appelle des fenêtres. Ce choix invite à contempler le rôle symbolique des yeux en tant que fenêtres de l'âme dans diverses cultures.
Sabrina Brouwers souhaite que des parties des couches précédentes soient visibles, non seulement pour révéler les couches du processus créatif, mais aussi pour suggérer quelque chose qui va au-delà de ce qui apparaît à première vue.
« Je coupe, je déchire et je gratte des morceaux de la peinture pour les éloigner de la surface. » Ce processus reconnaît le caractère entropique de sa propre construction et renvoie à la vulnérabilité de tous les objets fabriqués par les humains. Il nous rappelle que même les structures les plus stables peuvent finalement se détériorer.
Au cours de notre conversation, je reviens à nouveau sur la nature presque médicinale de ses œuvres, notamment sur le fait de fracasser le béton nécessaire à la construction de Trespass I et II. Il n'est pas surprenant que certaines de ses dernières œuvres abordent les thèmes de la violence et du cinétisme, brisant les structures pour s'éloigner de la sécurité perçue de la géométrie et de l'objectivité.
Construire quelque chose pour ensuite le détruire, tout en acceptant sa disparition, est une pratique qui fait écho aux principes de non-attachement que l'on retrouve dans diverses traditions de guérison. Bien que Sabrina Brouwers insiste sur le fait qu'il n'y a pas de message spirituel spécifique dans son travail, elle encourage les spectateurs à en tirer leurs propres récits et interprétations. Ces fenêtres restent ouvertes à l'exploration ; ces frontières vous invitent à les franchir et à vous émerveiller. Ce qui entre et ce qui sort dépend entièrement du spectateur.