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Tom Waugh : Les murmures du quotidien
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Tom Waugh : Les murmures du quotidien

En confrontant la solidité de la pierre et du marbre à l’éphémère des objets jetables, Waugh ouvre un dialogue troublant entre l’œuvre et celui qui la contemple. Une réflexion sur notre rapport à la consommation, la valeur des matériaux et les codes qui régissent notre société. Rencontre.

Par Sophie Heatley | 16 janv. 2025

Tom Waugh transforme des matériaux traditionnels comme le marbre et la pierre en représentations hyperréalistes d’objets éphémères tels que des cartons, des emballages en plastique ou des gobelets jetables. Ces objets, que nous utilisons une seule fois avant de les jeter sans y penser, finissent leur parcours dans la bouche insatiable de nos poubelles.

Tom Waugh : Les murmures du quotidien
Tom Waugh dans son atelier à Bristol

En confrontant la permanence du marbre à la fugacité des objets jetables, Tom Waugh initie un dialogue ouvert et déconcertant sur la culture de la consommation, la valeur matérielle et les normes sociales.

Il est difficile de ne pas se laisser happer par la richesse sensorielle des œuvres de ses œuvres. Dans sa série Anthropocene, sur laquelle je me concentre ici, chaque détail préserve les traces fugaces de l’utilisation humaine, à la manière de fossiles de notre consommation. Ses sculptures, allant de boîtes en « carton » froissées à des poubelles, possèdent un caractère documentaire, mais sans être purement factuelles ou historiques. Elles interrogent notre perception du déchet sans jamais donner de réponses directes – un type de confrontation intellectuelle que j’adore, où l’on ne comprend qu’on a été bousculé qu’une fois plongé dans une profonde réflexion.

Tom Waugh : Les murmures du quotidien
Crushed Box de Tom Waugh (Pierre de Portland récupérée, 2012, 18 x 25 x 25 cm) VENDU

Chaque œuvre raconte subtilement une histoire, presque comme une mémoire collective : celle des objets que nous avons négligés, mal utilisés ou simplement laissés dans leur emballage avant de les confier aux éboueurs. Loin des yeux, loin du cœur. L’hyperréalisme est saisissant. Les textures poussiéreuses de l’ironstone, l’éclat travaillé du marbre blanc – lissées ou patinées par Tom Waugh – déroutent. Ce n’est qu’en s’approchant qu’on réalise que ces « déchets » ne sont pas de vieux vestiges, mais des représentations méticuleusement sculptées.

« J’adore voir la perception des gens changer face à mes œuvres. Lorsqu’ils aperçoivent une boîte en carton dans une galerie, cela confirme souvent leurs préjugés sur l’art contemporain. Mais dès qu’ils la touchent, interagissent avec elle, ils comprennent qu’elle est bien plus que ce qu’elle paraît. Ce qui paraissait insignifiant prend soudain un sens profond. »

Tom Waugh : Les murmures du quotidien
Tom Waugh travaillant sur Big Pharma III (Marbre de Carrare, 2023, 50 x 38 x 33 cm)

La taille compte aussi. Des œuvres monumentales, évoquant l’audace du pop art mêlée à une esthétique archéologique grecque, métamorphosent les objets ordinaires en pièces grandioses. En quittant l’exposition, on se surprend à penser : Voilà ce que nos descendants, en l’an 3000, déterreront. Tout comme nous avons exhumé la Pierre de Rosette ou Knossos en Crète, ils découvriront nos déchets et pourraient croire que nous les vénérions, que nous nous sommes sacrifiés pour un sac en plastique. Et, franchement, ils n’auraient pas tort. J’adore cette tension – c'est à la fois troublant et fascinant.

Tom Waugh : Les murmures du quotidien
Big Pharma III (Marbre de Carrare, 2023, 50 x 38 x 33 cm)

Mais revenons à l’essentiel. Ces œuvres évoquent des souvenirs, certes, mais elles stimulent aussi notre imagination. Elles semblent émettre des sons : « C’est moi, ce gobelet en plastique que tu pensais avoir jeté, mais que tu as juste refilé à quelqu’un d’autre. »

Tom Waugh connaît bien les terrifiantes montagnes de déchets qui envahissent le globe – des marées de détritus s’étirant sur des plages infinies, des enfants indiens fouillant pour vendre des restes de métal ou de vieux stylos. Petite anecdote : durant ses études, l'artiste a passé du temps en Inde pour s’initier aux techniques traditionnelles de sculpture.

Tom Waugh : Les murmures du quotidien
Big Pharma Empty 4 (Marbre Bianco P, 2025, 32 × 48 × 6 cm)

Et pourtant, la pierre et le marbre, bien que silencieux par nature, semblent raconter une histoire. Le cliquetis des comprimés dans Big Pharma III, le bruissement métallique d’un emballage dans Big Pharma. Kandinsky disait : « Quelle que soit son abstraction, toute forme a son propre son intérieur. » Cette tension entre la solidité physique de l’œuvre et l’expérience sensorielle qu’elle suscite est fascinante.

Les œuvres de Tom Waugh semblent porter une résonance intérieure, comme un écho des objets que nous avons abandonnés. Leur silence est assourdissant. Pas besoin d’explications : quiconque a un minimum d’empathie pour la planète ressentira ce frisson de culpabilité, cet appel urgent à changer avant qu’il ne soit trop tard.

Retrouvez les œuvres de Tom Waugh dans notre exposition en ligne The Sound of Form.

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