Younes Faghihi

Les mots et les lettres sont des éléments essentiels de toute communication interhumaine. J’ai moi-même vécu de longues années sous un régime autoritaire qui a systématiquement recours à la censure, au sein duquel j’ai fréquemment pu observer le paradoxe suivant : alors que tous les mots peuvent être prononcés librement si les circonstances le permettent, les lettres, elles, peuvent être à tout moment réprimées ou supprimées, avec souvent de graves conséquences pour leurs auteurs ou leurs destinataires. Je caractériserais ma trajectoire artistique de ces deux dernières décennies comme une expansion progressive et une radicalisation de mes tentatives successives de libérer les mots et les lettres. À partir de 1999, j’ai commencé à développer mon propre style calligraphique. Il s’agit du premier style calligraphique entièrement pensé pour la peinture contemporaine. Il se caractérise par son recours à des déliés rapides et dynamiques ainsi que des pleins généreux se prêtant particulièrement bien à la peinture acrylique, et à un mouvement rapide du poignet évoquant certains artistes de l’abstraction lyrique. À partir de 2005, j’ai commencé à utiliser des mots libres de toute signification, pour me concentrer sur les propriétés formelles de la lettre. Dans mes derniers travaux, à partir de 2019, j’explore les propriétés sculpturales des lettres en-dehors des formats traditionnels rectangulaires tels que la toile ou le châssis.