Par un jour de novembre brumeux à Paris, je me rends dans un grand immeuble au cœur du quartier de Montparnasse. Après avoir pris l'ascenseur jusqu'au treizième étage, j'aperçois une note écrite sur la porte : « Entrez, c'est ouvert ». Je reconnais aussitôt l'écriture sur les colis contenant des catalogues d'exposition qu'Alain Pontecorvo avait déjà envoyés à mon bureau. Cette écriture m'est familière, parfaitement cursive et inclinée vers la droite, comme sortie d'un manuscrit du 19ᵉ siècle.
J'entre alors dans son salon-atelier. C'est un vaste espace ouvert baigné de lumière naturelle, même par un jour aussi maussade que celui-ci. Le long des murs, des toiles sont superposées sur six niveaux. Orientées vers l'intérieur pour ne pas être endommagées par la lumière du soleil, elles ne demandent qu'à être retournées et admirées. Cet endroit regorge d'années et d'années d'art.
Alain Pontecorvo, sympathique et chaleureux, m'accueille et m'invite à m'asseoir dans un fauteuil noir. Alors qu'il commence à me montrer les portraits sur lesquels il a travaillé, je me rends compte que je suis dans le fauteuil. Celui-là même qui a vu défiler tant de modèles au fil des décennies. C'est le fauteuil qui accueille ceux qui détiennent les histoires qu'Alain transmet avec son œil omniprésent, grâce à son habile jeu de lumière et à son approche franche et sans complaisance.
C'est à l'âge de trois ans qu'Alain a commencé à dessiner et il n'a jamais cessé de le faire. Il a étudié à Paris, avant et après son engagement dans l'armée française. À cette époque, il s'intéresse particulièrement à la typographie. Cela le conduit à travailler dans la publicité, secteur dans lequel il évoluera et connaîtra un grand succès pendant plus de 15 ans. Pendant cette période, il travaille avec les plus grands noms du secteur et invente même un caractère typographique : le Pontecorvo.
Pourtant, ses projets le détournent de son véritable amour, de sa vocation de toujours. En son for intérieur, il savait qu'il devait peindre et dessiner. C'est ce qu'il a fait.
Alain Pontecorvo est un peintre de genre et un portraitiste par excellence. Ses sujets sont aussi variés que sa carrière est longue. Il ne sort jamais de chez lui sans un carnet de croquis, et en possède plus de 600. Sa technique consiste à saisir l'instant présent, avec authenticité, sans prétention et, surtout, avec sincérité.
Si vous deviez vous faire tirer le portrait par Alain Pontecorvo, vous ne seriez pas nécessairement représenté sous votre meilleur jour, mais plutôt sous votre aspect le plus humain. « Pour moi, explique Alain, il s'agit de travailler la lumière et les formes dans l'espace. Je peins un portrait comme je peins une pomme ou une voiture. Il n'est pas indispensable de connaître la vie du sujet. Je choisis la position qui traduit le mieux son attitude, et en fonction de la lumière, de la structure et de la composition, tout le reste prend forme. »
Lorsque Alain commence un portrait, il n'interroge pas « la vie de l'individu. La vie va entrer dans le tableau par [sa] construction et [son] observation. »
Il adopte une démarche similaire pour les scènes de genre, les paysages et les scènes urbaines. En peignant les plaines ondulantes des campagnes ou une terrasse baignée de soleil, il ne cherche pas à représenter la beauté céleste ou à glorifier une puissance supérieure. Ses intentions sont beaucoup moins présomptueuses ; il les peint parce qu'il les trouve agréables. "Une pomme bien éclairée sur la table, dit-il, me rend heureux.
Son travail nous pousse à observer la splendeur naturelle qui nous entoure : la façon dont la lumière du soleil se reflète sur une voiture, l'architecture géométrique de la gare qui encadre parfaitement le quai, la façon dont l'ombre d'un piéton le suit fidèlement lorsqu'il se déplace. Il trouve la beauté et la clarté dans le quotidien.
Comment reconnaître un tableau de Pontecorvo au premier coup d'œil ? Serait-ce sa composition de type photographique ? Ou ses décors baignés de soleil qui rendent difficile la distinction entre la peinture et la réalité ? Ou peut-être est-ce la douce perspective à travers laquelle il nous permet de voir ce qui l'entoure. À travers son Œuvre, il romance le monde ordinaire. Il perçoit le monde à travers son propre prisme, ses propres schémas. Il regarde là où tout le monde a regardé et réussit à voir ce que personne d'autre n'a vu.